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A Saïda, au Liban, des familles affluent pour fuir les bombardements d’Israël : « Il y avait encore des corps sous les décombres quand on est parti »

Jawad et Zeina (ils n’ont pas souhaité donner leur nom de famille) ont garé, en début d’après-midi, lundi 23 septembre, leur 4 × 4 noir près d’une école élémentaire, en périphérie de Saïda, la porte du sud du Liban. Ils restent assis dans leur voiture le temps de reprendre leurs esprits. Leur fuite depuis la région frontalière avec Israël, en proie aux bombardements de l’Etat hébreu les plus meurtriers depuis un an, qui ont fait près de cinq cents morts, a été éprouvante. L’école, située dans une banlieue chiite de la ville, Haret Saïda, vient d’être ouverte par les autorités locales pour accueillir une vague sans précédent de déplacés. Le tumulte de la guerre a fini par rattraper la ville côtière, paralysée par des embouteillages monstres, qui ont ravivé les souvenirs de l’exode de la guerre de 2006.
Il a fallu quatre heures au couple pour rejoindre Saïda depuis leur village de Bourj Al-Chemali, près de Sour, plus au sud. D’habitude, le trajet de 40 kilomètres prend un peu plus d’une heure, mais des dizaines de milliers d’habitants du sud du Liban ont, comme eux, fui en direction du nord, dès qu’Israël a commencé, lundi matin, à bombarder massivement la région frontalière. Comme ailleurs au Liban, il n’y a nulle part où se réfugier dans les localités du sud.
L’appel de l’armée israélienne, lancé à tous les Libanais qui se trouveraient près de maisons et de bâtiments où le Hezbollah a stocké des armes, à « quitter les lieux sans délai », a été perçu comme l’annonce de frappes aveugles. Certains habitants ont reçu un ordre d’évacuation par SMS, sur leur téléphone, depuis un numéro local inconnu. Les bombardements avaient, dans certaines localités, déjà démarré.
« Les Israéliens ont commencé à bombarder notre village à l’aube. Il y avait encore des corps sous les décombres quand on est partis, même des corps d’enfants. On a eu tellement peur », raconte Jawad, un mécanicien de 43 ans, les traits tirés et encore sous le choc. Avec son épouse, une infirmière de 42 ans, ils n’avaient jusqu’alors pas quitté Bourj Al-Chemali, relativement épargné depuis que le Hezbollah a lancé une guerre de basse intensité contre Israël, au lendemain de l’attaque du Hamas en territoire israélien, le 8 octobre 2023, en soutien à la bande de Gaza, prise sous le déluge de feu israélien.
Pendant que son épouse, Zeina, donne le sein, discrètement, en le recouvrant de son voile noir, à leur enfant né il y a vingt jours, Jawad enchaîne les coups de fil. Il s’enquiert du sort de ses proches. Il sonde ceux qui habitent la plaine de la Bekaa pour savoir s’il est possible de venir se réfugier chez eux. Le couple n’a pas d’économies pour louer un appartement. Les nouvelles sont, partout, effroyables. Toute la journée, les bombardements ont été massifs sur le sud du Liban et la plaine de la Bekaa.
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